26 Juin 2017
Nous vous proposons ici quelques éléments pour comprendre la kinesthésie, ou "embodied cognition"(extrait de l'article publié sur le BUP en 2020), suivi de références puis de quelques définitions importantes.
L’utilisation du planétaire humain est basée sur le lien entre l’expérience sensorielle et la construction des concepts abstraits.
La pensée psychologique traditionnelle dans la lignée de Platon, considère le corps comme un obstacle à la pensée. L’épistémologie de Piaget prolonge cette vision en considérant le stade sensori-moteur comme une transition vers une pensée abstraite et en distinguant expériences sensorielles et cognition. Avec un point de vue didactique, l’expérience sensorielle quotidienne est vue comme la source d’un premier apprentissage (ou d’un premier questionnement) mais elle peut également devenir un frein à la compréhension des phénomènes car elle implique des facteurs dont nous n’avons pas conscience (présence de frottement par exemple). La mise en place de concepts abstraits bien définis est alors limitée par des associations trop fortes avec ces perceptions globales. Dans le cadre de la vitesse, tant que l'idée de vitesse n'est pas acquise sous une forme opératoire (donc cognitive et non perceptive), c'est-à-dire comme un rapport entre l'espace parcouru et le temps, l'ordre temporel se confond avec l'ordre spatial et la durée avec le chemin parcouru. Un courant plus récent en psychologie cognitive (enaction theory) propose une autre approche et considère l’interaction entre le corps et le monde extérieur comme le fondement de la cognition, « la kineflexion » (JR Lapaire) ou encore « a sensuous cognition » (L. Radford). Les concepts abstraits doivent alors être incarnés et vécus dans des expériences sensorielles pour être pleinement intégrés ; l’environnement devient acteur de la réflexion à la condition de favoriser une perception fine (F. Varela). Cette distinction entre perception fine et perception grossière proposée par F. Varela permet de se rapprocher des conclusions de la didactique. L’expérience sensorielle peut alors décharger une partie du travail de raisonnement sur l’environnement : « En raison de nos capacités de traitement de l’information limitées (par notre attention et notre mémoire à court terme, par exemple), nous utilisons l’environnement pour réduire la charge cognitive. L’environnement va contenir ou même manipuler des informations pour nous et nous les récupérons en fonction des besoins. (…) Même lorsqu’elle est découplée de l’environnement, l’activité cérébrale est basée sur des mécanismes de traitement sensoriel et de contrôle moteur. (…) En général, la fonction de ces ressources sensori-motrices est la création d’une simulation d’un aspect du monde physique extérieur comme un moyen de représenter des informations ou de faire des inférences. » (Wilson).
Dans la cadre de l'IDEX "Apprentissage en mouvement" de Sorbonne Universités (P4/P6), nous avons mis en place des ateliers alliant deux disciplines autour de la kinesthésie.
La vidéo ci-dessous présente des extraits significatifs d'interviews d'étudiants ayant participé à ces ateliers. Vous trouverez d'autres informations sur le blog de l'IDEX.
Lapaire, J.R. (2019). Mental action as visible bodily performance: an educational perspective. Benedek, András; Nyíri, Kristóf Vision Fulfilled. The Pictorial Turn, Hungarian Academy of Sciences;Budapest University of Technology and Economics, pp.27-37, 978-963-313-304-0. hal-02091834
Lapaire, J.R. (2016) The choreography of time : metaphor, gesture and construal. In Gabriel, Rosangela.; Pelosi, Ana Cristina (eds.). Linguagem e cognição: emergência e produção de sentidos., Insular, 2016, ISBN 978-85-7474-952. 〈halshs-01628900〉
Sabena, C. (2018). In G. Kaiser etal (Eds.), Invited Lectures from the 13th ICME Conference (pp. 541-559). Springer Open
Abrahamson, D. (2004), Embodied spatial articulation. In D. E. McDougall and J. A. Ross (Eds.), Proceedings of the Twenty Sixth Annual Meeting of the North American Chapter of the International Group for the Psychology of Mathematics Education Vol. 2. Windsor, Ontario: Preney. pp. 791 – 797
Lindgren, R. & Johnson-Glendberg, M. (2013), Emboldened by Embodiment: Six Precepts for Research on Embodied Learning and Mixed Reality, Educational Researcher, Vol. 42 No. 8, pp. 445 – 452
Glenberg, A. M. (2010). Embodiment as a unifying perspective for psychology. Wiley Interdisciplinary Reviews: Cognitive Science, 1(4), 586-596.
Radford (2014), Towards an embodied, cultural, and material conception of mathematics cognition, ZDM Mathematics Education (2014) 46:349–361. DOI 10.1007/s11858-014-0591-1
Thompson, E., & Stapleton, M. (2009). Making sense of sense-making: Reflections on enactive and extended mind theories. Topoi, 28(1), 23-30.
For Maturana (“inventor” of enactivism with Varela) : cognition is effective behavior in a medium. “a cognitive system is a system whose organization defines a domain of interactions in which it can act with relevance to the maintenance of itself and the process of cognition is the actual (inductive) acting of behaving in the domain.”
Those cognitive interactions correlates with the mechanisms of identity (Varela)
(Reid & Mgombel, 2015, ZDM, 47:171)
embodied action : cognition depends upon the kinds of experience that come from having a body with sensori motor capacities. Those capacities are embedded in a more general biological psychological and cultural context. Perception and action, and sensorimotor processes are inseparable in lived cognition: they have evolved together.
double embodiment : (Merleau-Ponty 1962 cited in Varela et al 1991, p.7) : The world is inseparable from the subject, but from a subject which is nothing but a project of the world, and the subject is inseparable from the world, but from a world which the subject itself projects
Enaction : A human being is made of a collection of experience based on the interaction with the outer world and by sensory-motor system, (or the interaction between the outer world and the sensoiry-motor system).
Early cognition is directed towards and based on actions only. Then the brain has the capacity to create connections from which emerge new, abstract, schema. Once interaction of the same kind have been experienced regularly, this creates a feeling of stability : "the ego" is born, together with a set of strong conceptions. New field of knowledge may be learned together with abstract knowledge as long as it does not go against those strong conceptions : The brain has the capacity to "play" with those experiences in order to create something new.
But if those abstraction go against strong conceptions based on repetitive sensitive experiences, there is no way to learn them. New experiences have to be lived in order to "fight" earlier conceptions first. This explains the conceptual change issues and the didactics of all fields !